Consommation extrême : l’histoire de celui qui buvait 50 cafés par jour
Boire cinquante cafés par jour : voilà un chiffre qui ne laisse personne indifférent. Loin d’être une simple extravagance moderne, l’excès de café a traversé les siècles et les continents, bousculant interdits religieux, habitudes sociales et tensions politiques. En Égypte ottomane, la caféine n’a jamais fait l’objet d’un consensus. Les autorités religieuses ont tenté d’interdire la boisson à plusieurs reprises, sans jamais réussir à éradiquer sa popularité. Les rassemblements dans les cafés, eux, n’ont cessé de croître, devenant des carrefours de débats, de jeux et d’échanges intellectuels.
Entre restrictions officielles et engouement populaire, la culture du café s’est imposée durablement dans la société. Les pratiques de consommation y ont évolué au fil des époques, révélant des usages parfois extrêmes et des habitudes qui dépassent de loin la simple dégustation.
Plan de l'article
Quand le café s’invite au Proche-Orient : origines et essor dans l’Égypte ottomane
Le café débarque au Caire à la fin du xvie siècle, convoyé par des marchands du Yémen, où cette boisson s’était déjà installée au cœur des pratiques soufies. Très vite, avec le début du xviiie siècle, la ville voit fleurir des cafés dans ses quartiers les plus animés. Les témoignages de l’époque évoquent plus de trois cents cafés au Caire autour de 1700, et cette vague ne fera que s’amplifier.
Ce phénomène n’est pas qu’une question de goût : c’est toute la société qui change de rythme. Le café ne circule plus seulement entre religieux ou lettrés : il descend dans la rue, s’invite dans les souks, s’installe aux marges de la ville. Voyageurs français et chroniqueurs arabes racontent des usages variés : du simple réconfort matinal au rituel nocturne qui accompagne débats enflammés et parties de jeux interminables.
Quelques mutations clés dessinent le nouveau visage urbain du Caire ottoman :
- Des cafés qui deviennent des lieux de vie masculine, véritables institutions, où se croisent habitués et curieux.
- Un mélange inédit des cultures yéménites et égyptiennes, qui réinvente la manière de préparer et de partager le café.
- L’émergence d’une filière commerciale organisée autour du précieux café du Yémen, stimulant toute une économie.
Mais le succès du café inquiète aussi. À mesure que la boisson conquiert la ville, elle attire suspicions et condamnations. Les autorités religieuses s’en méfient, certains veulent l’interdire. Peine perdue : le siècle du café s’annonce, s’imposant dans les ruelles, les places, et jusqu’aux faubourgs du Caire. Et déjà, certains consommateurs repoussent les limites, flirtant avec l’excès.
Au fil du début du xixe siècle, les cafés prennent une dimension nouvelle. À Paris, Marseille, au Caire ou à Damas, on ne vient plus seulement y boire, mais s’y retrouver, refaire le monde, écouter, jouer, marchander. Le goût du café s’entremêle à celui de la conversation, du récit, de la rumeur.
Des voyageurs de passage s’étonnent de cette effervescence. Dès la nuit tombée, la salle se remplit : conteurs, joueurs, badauds, tous se pressent pour discuter, débattre, s’évader de la routine. Ici, peu importe le statut social : bourgeois, ouvriers, lettrés ou artisans, chacun trouve sa place autour d’une tasse. Le café rythme les journées, marque les pauses, accompagne les disputes d’idées comme les silences entre amis.
Voici comment ces lieux redéfinissent la vie en ville :
- La multiplication des cafés transforme le paysage urbain, aussi bien à Paris qu’au Proche-Orient.
- Une moitié d’entre eux accueillent des habitués qui y reviennent jour après jour.
- Le goût du café devient l’affaire de tous : certains y voient un signe de raffinement, d’autres un marqueur d’appartenance.
Là, le café n’est pas qu’un breuvage : il devient le fil conducteur de la vie collective. À chaque service, la ville se réinvente. La sociabilité se tisse autour de la parole et de la tasse partagée. Un rituel qui, génération après génération, façonne l’espace public.
Des tasses et des excès : histoires insolites et rituels autour du café à travers les siècles
La consommation extrême de café n’a rien d’une invention récente. À Paris, on raconte qu’un homme avalait chaque jour cinquante tasses : la rumeur court, amuse, inquiète, fascine. Dans les cafés du xixe siècle, l’excès devient spectacle : signe de force, d’excentricité, parfois de folie douce. Pour certains, la boisson noire devient un rituel obsessionnel, un marqueur social, un rempart contre la fatigue.
À Saint-Germain, les intellectuels enchaînent les tasses en discutant philosophie. À Marseille, sur les quais, les dockers carburent au café pour tenir jusqu’à la fin de leur service. De New York à London, la mode du café séduit les masses urbaines : la consommation décolle, au point d’inquiéter les médecins, alertés par ces nouveaux excès. Ces débordements interrogent, provoquent, mais témoignent surtout d’une relation intime au temps, à la fatigue, à l’éveil.
Quelques exemples montrent comment le café s’est tissé dans les pratiques extrêmes ou singulières :
- À Suez, la boisson accompagne les veilleurs de nuit sur les docks, gardant les yeux ouverts jusqu’à l’aube.
- En Syrie, le partage du café scelle l’accueil et le sentiment d’appartenance à une communauté.
- À Paris, l’histoire de l’homme aux 50 tasses circule de table en table, entre admiration, ironie et défiance.
La consommation extrême n’est qu’un des multiples visages du café. Elle raconte la force d’un rituel qui façonne la vie urbaine, la sociabilité, le besoin de repousser ses limites. Derrière chaque excès, une histoire singulière, une époque, une gestuelle qui, siècle après siècle, nourrit la mémoire collective. Aujourd’hui encore, la simple odeur d’un café évoque un monde où la veille, la parole et l’intensité s’entrelacent, parfois jusqu’à l’extrême.
